Réfléchir ensemble

La prévention des violences sexuelles selon le Haut Conseil à l’Egalité

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Le 5 octobre 2016, le Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes a rendu un avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles.

« Les violences faites aux femmes constituent le socle des inégalités entre les femmes et les hommes. Elles alimentent d’une part le sentiment de domination chez leurs auteurs, et d’autre part le sentiment de peur et de perte de confiance en soi chez leurs victimes. Le viol est l’une des expressions les plus brutales et répandues de ces violences. Hier comme aujourd’hui, ici et ailleurs, le viol est une arme de destruction des femmes comme en témoignent les conséquences nombreuses qu’il génère. Les mises en lumière publiques d’affaires de viols, grâce notamment à de courageux témoignages de victimes, lèvent progressivement le tabou d’en parler. Cela conduit à une mobilisation croissante des opinions publiques en France et/ou à l’étranger. Cette immersion des agressions sexuelles et du viol en tant que sujet politique à part entière est positive et nécessaire : c’est en effet le problème de la société dans son ensemble, et pas seulement celui des victimes. Pour autant, cela ne saurait masquer les nombreux stéréotypes sexistes entourant ces violences.

Ainsi, les femmes sont encore largement considérées comme responsables des violences sexuelles qu’elles subissent. Les tentatives de justification des viols par des comportements jugés « à risque » sont légions : « elle portait une tenue aguichante », « elle marchait seule la nuit », « elle a accepté de boire un verre, ce qui a attisé le désir sexuel de l’agresseur ». Ces stéréotypes s’inscrivent dans la stratégie de l’agresseur qui veut réduire les femmes au silence pour préserver son impunité. De plus ces stéréotypes sont en opposition totale avec la réalité des viols. C’est ainsi que très peu de femmes révélant des violences sexuelles sont entendues, et qu’une très faible minorité d’entre elles entame une démarche judiciaire. En bout de course et en dépit du caractère massif de ce phénomène, une poignée de condamnations sont prononcées et la grande majorité des agresseurs reste impunie. »

Ces propos introductifs de l’avis nous donne le ton et c’est ainsi que 5 axes ont été dégagés permettant de proposer 12 recommandations.

Parmi ces axes, le numéro 5 « Education et protection des jeunes » vise à renforcer les dispositifs de prévention des violences sexuelles commises à l’encontre des enfants.

« Les enquêtes de victimation et les faits constatés par la police et la gendarmerie montrent que les mineur.e.s (enfants et adolescent.e.s) représentent près de 60 % des victimes de viol. Dans une enquête menée à partir de dossiers judiciaires de viol en Cour d’assises, sur les 268 victimes mineures, violées par un membre de leur famille ou par une personne proche (parrain, ami des parents, etc.), 64 % avaient moins de 10 ans et 24 % moins de 6 ans. »

Or, « au-delà du pouvoir normatif du droit, de la formation des professionnel.le.s et de la sensibilisation du grand public se pose la question de l’éducation à la sexualité. La Commission insiste sur la nécessité de développer et d’ériger en priorité l’éducation à la sexualité afin de renforcer la prévention des violences sexuelles, et en particulier la prévention du viol. »

Le HCE recommande ainsi de :

1) prévenir les violences sexuelles dès le plus jeune âge.

« C’est dans l’enfance et l’adolescence que se forgent et s’installent les stéréotypes sur ce que devraient être une sexualité « féminine » et une sexualité « masculine ». Les jeunes filles en particulier sont soumises à la double injonction de devoir se montrer désirables mais respectables, les garçons étant quant à eux valorisés par leurs pairs selon une norme de virilité. C’est à cette période, synonyme d’entrée dans la vie amoureuse et dans la sexualité, que se développent les violences sexistes et sexuelles au sein des couples ou au sein du groupe et c’est à cet âge que la prévalence des agressions sexuelles et des viols subis est la plus forte. Les enfants sont d’autant plus vulnérables en raison de leur jeune âge et de leurs moyens limités de défense face aux agressions, qui sont rappelons-le, majoritairement commises dans le cadre familial. La protection de l’enfance contre les violences sexuelles, l’exploitation sexuelle et la pornographie doit nécessairement passer par une prévention active, à savoir transmettre aux enfants la capacité à dire « non » dès le plus jeune âge, à faire la différence entre un toucher agréable et un toucher désagréable, à donner son consentement et à respecter l’autre tout en étant à l’écoute de son propre corps. L’éducation à la sexualité, prévue par la loi du 4 juillet 2001 à hauteur de trois séances annuelles du CP à la terminale et réaffirmée dans les conventions interministérielles pour l’égalité entre les filles et les garçons, est un prérequis pour déconstruire les stéréotypes de sexe relatifs à l’amour et la sexualité, et informer les enfants et les adolescent.e.s de leurs droits. Elle est un élément incontournable de la politique générale d’égalité réelle. La Convention 2013-2018 rappelle combien « l’éducation à la sexualité occupe une place de premier ordre dans ce dispositif, en tant qu’elle touche, au-delà du domaine de l’intime, à des enjeux de société décisifs ». Cette politique nationale participe à la protection des enfants, à travers l’apprentissage du respect de soi et des autres. La démarche de la France s’inscrit dans celle plus générale de la lutte contre les violences faites aux enfants au niveau européen.

Dans le cadre de l’application de la Convention de Lanzarote du Conseil de l’Europe de lutte contre les abus sexuels commis contre des mineur.e.s, les États membres sont encouragés à prendre un certain nombre de mesures de protection et de prévention. Ces mesures visent notamment à « apprendre aux enfants à se protéger et à révéler les abus ». Il est préconisé que soient abordés dans ces programmes les thèmes suivants :

  • préparer à la vie de tous les jours ;
  • identifier et réagir aux situations potentiellement dangereuses ;
  • identifier, empêcher et mettre fin à l’agression sexuelle ;
  • demander de l’aide.

L’expérience montre la nécessité de temps d’échanges et de débats animés par des professionnel.le.s formé.e.s en milieu scolaire et non scolaire pour prendre conscience de la banalisation des violences sexistes et sexuelles et agir en prévention de ces violences à travers des méthodes pédagogiques interactives. Jusqu’à présent le manque de temps et de mobilisation pour l’éducation à la sexualité n’a néanmoins pas permis d’inscrire ce travail dès le plus jeune âge et dans la durée. »

2) Mettre en oeuvre une éducation à la sexualité globale et positive

« Par ailleurs, comme en faisait état le HCE dans son rapport relatif à l’éducation à la sexualité de juin 201656, en l’absence d’une éducation à la sexualité positive et égalitaire, les adolescent.e.s reçoivent et échangent entre eux.elles des informations erronées, normatives et anti-égalitaires, souvent glanées sur internet. L’éducation à la sexualité se situe précisément au cœur de ces enjeux et se définit comme étant une manière d’aborder l’enseignement de la sexualité et des relations interpersonnelles qui soit :

  • fondée sur l’égalité des sexes et des sexualités ;
  • adaptée à l’âge ;
  • basée sur des informations scientifiques ;
  • et sans jugement de valeur.

Cette éducation vise ainsi, à partir de la parole des enfants et adolescent.e.s, à les doter des connaissances, compétences et savoirs-être dont ils et elles ont besoin pour une vie sexuelle et affective épanouie, libérée des violences.

L’éducation à la sexualité doit également être effective pour les élèves handicapé.e.s, dans les Instituts Médico Educatifs ainsi que dans toutes les institutions recevant des enfants handicapé.e.s. »

3) Développer et diffuser des outils de prévention

« La diffusion de supports d’éducation à la sexualité est essentielle pour compléter une démarche de prévention forte en la matière. Il existe divers programmes à destination des mineur.e.s et des personnels d’établissements scolaires ou périscolaires, ou même des parents, qui permettent depuis les trois dernières décennies de faire prendre conscience des agressions et des moyens de s’en protéger (FInKELHoR, 2007; BARRon et toPPInG, 2009). Les plus emblématiques sont probablement les programmes québécois :

  • « Mon corps, c’est mon corps », destiné aux enfants de 6 à 12 ans, les encourage à parler des agressions subies ;
  • « ViRAJ » cible quant à lui les adolescent.e.s.

Le HCE recommande l’élaboration d’outils similaires en France, actualisés et largement relayés. Le livre « C’est ta vie ! » destiné aux enfants de 6 à 12 ans permet également d’aborder, avec les plus jeunes, les relations affectives et sexuelles à travers 5 thématiques : « les liens », « les contacts », « les interdits », « les corps » et « le bébé ».

Enfin, le ministère de l’Éducation nationale développe également des formations à destination des personnels d’enseignement et d’éducation et des outils tels que le guide « Comportements sexistes et violences sexuelles : prévenir, repérer, agir ».

Néanmoins et en dépit d’outils existants, le HCE a constaté dans son état des lieux sur la mise en œuvre de l’éducation à la sexualité, que, parmi les 12 millions de jeunes scolarisé.e.s chaque année, seule une petite minorité bénéficie tout au long de sa scolarité de séances d’éducation à la sexualité et que cette obligation légale reste parcellaire et inégale selon les territoires. »

Par conséquent, le HCE recommande de rendre effective l’obligation légale d’éducation à la sexualité de l’école au lycée en mettant en œuvre les recommandations formulées par le HCE dans son rapport de juin 2016, et en intégrant à cette éducation des programmes de prévention élaborés sur le modèle de « Mon corps, c’est mon corps » ou « ViRAJ », afin de prévenir les agressions sexuelles dont sont victimes les enfants et les adolescent.e.s.

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