Voici le texte publié sur la page Facebook de l’Association Stop aux Violences sexuelles le 8 février 2018. Un texte sur la reconstruction. Un grand merci !
« Le pire avec les attouchements ou le viol, c’est la dissociation…
Tu te sépares de ton corps car ton corps ne t’appartient plus…
Normal ! Qui voudrait habiter dans une maison ravagée par une tempête, aux odeurs pourrissantes et jonchée de détritus ?
Personne…
Alors il faut du courage, oui, un vrai et un immense courage haut comme une montagne qui sera gravie pour tout nettoyer, tout réparer, tout ranger…
Le premier pas, c’est d’abord d’oser regarder…
Si tu en as la possibilité… car parfois tu te seras enfui tellement loin de ta maison que tu ne te souviendras même plus qu’avant, oui avant, il y a bien longtemps, tu en avais une de Maison…
Vous vous souvenez vous ? De vos mauvaises expériences ?
Nooon, la mémoire a cela de fabuleux qu’elle sélectionne…
Alors bien sûr, la plupart du temps et alors que tu crois que tout va bien dans ta vie… tu ripes, tu bugues, tu trébuches voir même, un soir, tu tombes dans un vide sidéral blanc et inodore, gluant et étouffant… pour un temps long, temps très long temps…
Mais le pire, oui le pire, c’est que tu ne comprends pas pourquoi, oui pourquoi tu as de drôles de réactions incontrôlables que personne ne comprend et surtout pas toi… ?
Pourquoi tu t’arrêtes dans la rue sans plus pouvoir marcher ?
Pourquoi tu as l’impression d’étouffer, de suffoquer à tout bout de champ alors qu’il fait si beau dehors et que ce garçon t’a regardé d’un drôle d’air ?
Qu’est ce qui se passe ?
Et pourquoi tu pleures tout le temps et surtout sans raison ?
Oui pourquoi ?
C’est vrai ça, pourquoi tu pleures ?
Tu penses peut-être que c’est avec tes larmes que tu vas tout nettoyer ?
Et au fait, pourquoi tu ne mets jamais de décolleté ?
Et surtout, pourquoi tu mets deux culottes l’une sur l’autre ?
C’est quand même bizarre ça, non ? Étrange même…
Bien sûr, je ne te demanderai pas pourquoi tu as regardé les rails d’un peu trop près… ?
Ni pourquoi tu as tout le temps mal dans ton corps qui pourtant ne t’appartient plus… ?
« Non, noon, noooon » je te dirais juste « que, peut-être, tu es un petit peu fofolle, que tu es trop sensible, voire spéciale… »
mais c’est tout…
Tu es partie tellement loin de ta maison…
Ici, le monde est étranger, le langage n’est plus le même, les traditions sont différentes et c’est à toi de t’adapter… t’adapter aux autres, tu m’entends ?
Et surtout, surtout… dire que : Tout va bien !
Tu entends ? TOUT VA BIEN !
Pourquoi embêter le monde avec tes histoires, ça ne regarde personne, pas même ta famille…
« Tais-toi tu vas faire du mal… » « mais tu veux te taire oui ? Tu ne vois pas que tu nous déranges ? Alors Tais-toi ! Tais-toi !! » …
Mais si un jour des flashs de bleu te reviennent en mémoire…
…si un jour tu te rends compte que tu détestes les grognements à ton oreille…
…si un jour tu te retrouves sur le carrelage de ta cuisine en criant et hurlant et pleurant…
« Je ne veux pas… nooon » « Laisse-moi… laisse-moi… »
Le corps fracassé de douleurs si vives que tu te demandes comment une telle lacération intérieure puisse exister…
Oui …Si un jour… tu te souviens…
Alors…
Alors il te faudra du courage…
Le courage de t’accueillir
Le courage de te regarder
Le courage de te souvenir de tout
Le courage de te panser
Le courage de te faire aider
Pour un jour peut être avoir le courage de t’aimer…
Ce courage, il viendra naturellement, crois-moi…
Mais je saute les étapes…
Tu auras d’abord de la colère !
Une immense colère,
UNE ENORMISSIME ET PUISSANTE COLERE,
Une colère ravageuse, destructrice qui te fera peur et te mettra peut-être en danger
mais si tu apprends à la maîtriser,
à l’enchanter, alors elle deviendra ton amie,
une colère qui nettoie, une colère qui décide,
une colère qui brûle ce qui a besoin d’être brûlé,
apaise ce qui a besoin d’être apaisé,
répare ce qui a besoin d’être réparé…
L’énergie de vie petit à petit reviendra dans ton corps,
tes jambes se remettront à te porter et tu avanceras…
Ta maison était jolie avant non ?
D’abord tu erreras dans les chemins de ta mémoire,
tu iras de droite et de gauche mais tu avanceras.
De questionnements en lectures, de médecins en confidences, de stages en thérapeutes…
le chemin sera long, des mois, des années peut être…
mais tu avanceras…
Et un jour, tu la regarderas en face cette maison,
Ta Maison…
Bien sûr elle est lézardée… les fondations ont été secouées,
le toit n’est même presque plus là… et tu comprendras…
ben oui : « Comment faire des projets et avancer dans la vie si tu n’as même pas de quoi te loger ? »
Alors tu riras… riras…
Tu ris… d’un rire si fort et si puissant qu’il finit par faire tomber la dernière tuile qui ne tenait plus à rien…
INSPIRATION
RESPIRATION
LIBERATION
Dans le jardin, il y a plein de broussailles, de mauvaises herbes…
qu’importe…
Le chêne est toujours là… puissant et rassurant comme jamais…
Mère nature….
La vie et son énergie…
Laisse-toi traverser… à nouveau… ouvres tes portes,
fais chanter tes cellules…
Peut-être même qu’un jour…
tu auras envie de la décorer ta maison… »
Nathalie – Esther, 2017
Pour toutes celles et ceux qui en ont besoin….
Avec toute ma compassion