« En 2009, Julie est en quatrième. C’est une brillante et excellente élève qui a sauté une classe. Elle est en bonne santé. Un jour elle fait un malaise et l’école appelle les pompiers. L’un d’eux la contacte ensuite via les réseaux sociaux. L’engrenage infernal commence. Il dure deux ans pendant lesquels Julie a subi plusieurs viols en réunion commis par des pompiers. Son numéro de portable circule dans les casernes.
Dès les premiers viols, elle fait de graves crises de tétanie. Très vite elle est déscolarisée et son état psychologique se dégrade. Sa mère alors institutrice s’arrête de travailler pour prendre soin d’elle. Julie développe une phobie sociale qui l’empêche de sortir de chez elle pendant quatre ans. Elle se scarifie et fait plusieurs tentatives de suicide. Elle est alors placée sous anxiolytiques et neuroleptiques. Un traitement lourd…
Pendant ces deux années, elle ne parvient pas à révéler ce qu’elle subit à ses parents (son père est avocat). A 15 ans, à la suite d’un nouveau viol collectif, elle arrive enfin à parler à sa mère, qui l’accompagne immédiatement déposer plainte. Une vingtaine de pompiers auraient reconnu les interactions sexuelles devant la juge d’instruction.
Julie vit l’ensemble de la procédure judiciaire comme une mise en accusation, un déni de justice et un traumatisme supplémentaire qui réactivent sans arrêt sa mémoire traumatique des viols. En 2014 et en 2017, elle fait deux tentatives de suicide. L’une d’elles la plonge dans un coma de cinq jours.
Aujourd’hui, Julie a 23 ans. La décision du parquet de déqualifier les viols suscite en elle désespoir et terrible sentiment d’injustice [cela veut dire que les viols en réunion subis ne seront jugés que par un Tribunal correctionnel et non une Cour d’assises, retirant aux faits tous les actes de pénétration subis par le corps de Julie]. Elle a également très mal vécu la lecture de certains articles de presse qui ont repris –sans recul et au mépris de sa dignité– l’information sans intérêt ni fondement la disant “fichée comme nympho” chez les pompiers.
Pour conclure, le viol d’un enfant est un crime. Déqualifier c’est mal nommer. Et mal nommer “ajoute aux malheurs du monde”. Le système judiciaire protège mal les enfants victimes de violences. Une enfant de 13 ans n’a pas la maturité suffisante pour sortir d’une telle spirale infernale mise en place par des adultes. Seuls des professionnels et adultes bienveillants peuvent l’y aider comme cela a été le cas pour Julie.
Il s’agit de la première affaire médiatisée sur la mise en oeuvre de l’article 2 de la #loiSchiappa ayant précisé la définition de la contrainte. Article qui ne change donc strictement rien à la situation actuelle : la pédocriminalité reste quasi totalement impunie et la correctionnalisation des viols massive.
Il est impératif que tout acte sexuel commis par un adulte sur un enfant soit considéré comme un crime. Le cas de Julie est malheureusement loin d’être isolé. Chaque jour en France, les victimes de ces crimes souffrent de l’absence de reconnaissance de la part de la société et de l’institution judiciaire, sans compter l’absence de soins adaptés. Des situations intolérables menant à de nombreux suicides qui doivent cesser. »
Merci à Moi Aussi Amnésie pour ces mots précieux et d’avoir osé relayer ce témoignage et accompagné Julie dans la reconnaissance de ses droits et du droit à l’intégrité de son corps.
Merci à toutes et à tous de relayer au maximum la pétition ouverte pour aider Julie et faire évoluer notre système judiciaire et la protection des enfants contre les violences sexuelles : https://chn.ge/2NXIrhb
Pour aller au delà encore, voici aussi les 19 mesures proposées par le Collectif féministe contre le viol, 30 ans d’expertise en écoute et accompagnement de victimes de viols au 0.800.05.95.95 Viols-Femmes-Informations :
« 50 % des victimes de viols & d’agressions sexuelles sont des enfants de moins de 12 ans ! Or les agresseurs ne sont condamnés que dans moins de 2% des situations de violences sexuelles, y compris pédocriminelles. « La loi dite « Schiappa » sur les violences sexuelles votée le 31/07/18 n’y changera rien.
Nous proposons 19 mesures concrètes :
*Face à la maltraitance familiale il faut:
1) Mettre en place un guide national d’évaluation des dangers et y former tous les intervenants pour un diagnostic objectif et rapide.
2) Créer dans tous les départements des équipes spécialisées pour mener ces évaluations.
3) Diligenter des enquêtes internes en cas de drame alors que la famille était suivie.
*Face à la lourdeur et à la violence de la procédure pénale il faut:
4) Rendre obligatoire l’enregistrement vidéo de l’audition de l’enfant-victime et son visionnage lors de la procédure pénale, sous peine de nullité.
5) Créer dans chaque département des unités spécialisées pour recueillir la parole de l’enfant.
6) Nommer un avocat auprès de l’enfant pour toutes les procédures le concernant.
7) Mettre immédiatement à l’abri l’enfant lorsqu’une maltraitance est suspectée.
8) Réformer la définition du viol sur mineur dans la loi du 31 juillet 2018 pour un interdit plus systématique.
*Face aux parcours chaotiques des enfants protégés, il faut:
9) Stabiliser leur statut juridique et les laisser vivre auprès des adultes bienveillants qui les élèvent.
10) Interdire tout changement de lieu d’accueil, sauf si les besoins fondamentaux de l’enfant ne sont pas satisfaits.
11) Développer l’accueil familial et favoriser les parcours scolaires des enfants placés.
12) Permettre le droit à une deuxième famille, en adaptant le statut juridique de l’enfant et en favorisant l’adoption simple.
*Face à l’insuffisance du suivi sanitaire des enfants confiés à l’ASE, il faut:
13) Organiser dans chaque département un réseau de soins spécialisés, pris en charge par la Sécurité sociale.
14) Initier un programme de recherche en santé publique pour évaluer ces situations.
*Face à l’indignité de l’accueil des mineurs non accompagnés, il faut:
15) Transférer à l’État l’évaluation de la minorité de ces jeunes avec une mise à l’abri immédiate.
16) Confier leur accueil aux départements, avec un accompagnement spécifique, seule garantie d’une intégration réussie.
*Face à l’abandon des jeunes confiés, à leur majorité, il faut:
17) Rendre obligatoire la prise en charge des jeunes confiés à l’ASE jusqu’à 21 ans.
18) Assurer la poursuite d’études, l’accès à une formation professionnelle, l’accès à un logement.
19) Organiser et financer des réseaux de solidarité, notamment les réseaux des anciens enfants confiés. »