Depuis plus de quatre ans maintenant, j’ai créé ce site dans le but de recenser des outils de prévention des violences sexuelles commises à l’encontre des enfants afin de les mettre à disposition du plus grand nombre. Il y a quatre ans en arrière, lorsque l’on tapait les mots « prévention violences sexuelles » sur internet, il n’y avait que peu de ressources et surtout aucun site référant sur le sujet.
J’ai donc écris des articles au jour le jour, au fil de l’actualité notamment juridique sur le sujet mais aussi après la lecture de nombreux outils de prévention, livres, articles et vidéos.
J’ai découvert de nombreuses démarches de prévention et j’ai pu remarquer que le principal objectif qui est fixé par les outils est souvent d’informer l’enfant de ce qu’il est susceptible de subir. Cette information lui est transmise de différente manière soit directement, soit indirectement, soit avec des propos clairs, soit avec des propos biaisés, et pour les plus petits, il existe peu ou pas d’outils, de même que pour les enfants à particularité, porteurs de handicaps notamment. Pas simple alors d’agir en amont, la prévention se transformant le plus souvent en post vention, ou plutôt en chemin de guérison du fait de la révélation des agressions subies par l’enfant.
En général aussi, les sites qui référencent des outils sont destinés aux professionnels : éducateurs, enseignants, soignants.
Mon objectif, il y a quatre ans, était de visibiliser des outils de prévention afin de les mettre à la portée des parents car on sait qu’un parent bien informé et qui parle à son enfant, fait de la prévention, au même titre que la sécurité routière, permet à son enfant de s’auto-protéger et surtout de trouver un allié pour guérir et se reconstruire au cas où.
Pourtant, force est de constater que malgré le déployement de nouvelles méthodes éducatives (éducation positive, bienveillante etc), l’usage d’un discours efficient en matière de prévention des violences sexuelles se heurte à la répétition des schémas éducatifs et aux habitudes familiales éducatives au sein desquels le tabou de l’inceste, l’incapacité à nommer les parties intimes avec les mots anatomiques, la confusion entre sexualité et violences sexuelles vont bon train.
Depuis un an que j’ai créé mon cabinet de thérapie psycho-corporelle notamment spécialisé dans l’accompagnement des personnes victimes de violences sexuelles, j’ai du adapter mon discours et rapidement, j’ai utilisé l’expression « blessures de l’intime » plutôt que « violences sexuelles ». J’ai animé des conférences qui ont beaucoup intéressé, j’ai écrit mon livre Quand mon coeur est devenu une pivoine qui a reçu un accueil chaleureux, j’ai animé des sessions de prévention des blessures de l’intime (Les Petits Jeux du Corps Précieux pour les plus petits) mais lors de toutes ces manifestations, afin de ne pas heurter, de réussir à parler en douceur du pire, j’ai utilisé l’expression « blessures de l’intime ». Et, les retours sont bien plus positifs que lorsque je tentais de transmettre mon discours sur la prévention via l’expression « violences sexuelles ».
Les discussions s’engagent plus aisément. Les personnes victimes ou non peuvent prendre la parole, m’interroger plus facilement notamment sur les modalités de prise en charge. Le discours s’adoucit sur tous les sujets en lien avec les blessures de l’intime : décalottage forcé, phimosis, circoncision, excision, viol, attouchement, inceste, mariage forcé, masturbation, prostitution, hypo sexualité, hyper sexualité etc.
Afin de vous inviter, notamment vous, les parents, à utiliser cette expression, voici quelques arguments tirés de ma pratique qui pourront vous être utiles :
- l’expression « blessures de l’intime » permet d’être à l’aise avec l’expression « parties intimes ». Dans l’outil de prévention des violences sexuelles que j’ai créé, nommé La Quête, j’explique qu’il est de bon usage d’employer l’expression « parties intimes » en plus des noms anatomiques des parties sexuelles. Ainsi, on peut expliquer à son enfant que dans son corps, il y a des parties qui sont intimes, c’est-à-dire des parties de son corps qui sont en lien avec son individualité, ses sentiments, l’ouverture de son coeur, son souhait de partager l’Amour avec quelqu’un.
- l’expression « blessures de l’intime » permet de comprendre que les violences sexuelles sont des blessures subies sur notre corps. Lorsque j’explique que prévenir les violences sexuelles ce n’est pas parler de sexualité mais prévenir une violence, bien souvent, on me regarde avec attention et une expression corporelle interrogatrice. Or, si on explique à un enfant qu’il peut être blessé dans son corps, dans ses parties intimes aussi, alors, pour lui, les choses sont plus claires, c’est comme être blessé à un genou. Bien sur, on devra aussi lui expliquer qu’être blessé peut aussi être le fait de ressentir quelque chose de désagréable, quelque chose qui nous met à l’aise, comme un mot qu’on nous dit et qui nous fait mal dans notre coeur. De plus, au moment où le parent prendra son courage pour parler à l’enfant, il n’y aura pas de prime abord de confusion possible dans sa tête avec une quelconque information transmise sur la sexualité ou sa sexualité à lui ; ce qui permet de se sentir rassuré surtout si on tient un discours auprès d’un tout petit et qu’on ne sait pas comment en parler. Dans tous les cas, le message clé sera toujours de dire très clairement à l’enfant que personne n’a le droit de toucher ses parties intimes, y compris vous.
- l’expression « blessures de l’intime » renvoie aussi à la guérison. Si on a été blessé, alors il faut qu’on aille se réparer, se soigner, se faire soigner, qu’on prenne soin de nous de la même manière que si on était blessé au bras ou à la tête. Utiliser l’expression « blessures de l’intime » est aussi une manière d’ouvrir la voie à plus de prise en charge des enfants victimes. « Tu as été blessé dans ton intime, dans ton intimité, c’est normal qu’on t’accompagne pour guérir, qu’on aille voir quelqu’un qui va te soigner ». Cela sous-tend aussi qu’on ne reste pas coincé au statut de « blessé » et qu’on puisse parler des blessures au passé.
- l’expression « blessures de l’intime » est suffisamment englobante et large pour permettre de mieux voir toutes les formes de violences sexuelles subies et les visibiliser. Je dis souvent que les violences sexuelles sont un éventail et que l’on sous-estime et on ne peut s’imaginer les actes endurés par les victimes. Parler des blessures de l’intime permet à la personne qui souhaite se confier de raconter avec ses mots ce qu’elle a traversé dans son intime. Bien souvent, elle peut en dire beaucoup plus en répondant à la question : avez vous subi des blessures de l’intime ? Qu’en répondant à la question : avez vous subi des violences sexuelles ? Idem s’agissant d’une réflexion autour de l’éducation ; lorsque l’on dit qu’un enfant a droit à une éducation sans violence, cela ne résonne pas de la même manière que de dire qu’un enfant a droit à une éducation sans blessure, sans blessures de l’intime.
- Encore plus largement enfin, l’expression « blessures de l’intime » met l’accent sur la blessure, c’est à dire les souffrances générées par l’acte blessant. Ce qui sera vu ce sont les maux de la personne blessée. Et, parce qu’elle a des blessures dans son intime, on ne pourra qu’acquiescer la multiplicité de ses maux tant on sait que l’intime est précieux et qu’une intimité blessée nuit à l’individu.
D’une manière générale, j’ai le sentiment que cela pourrait conduire à gagner en empathie auprès des victimes, des personnes blessées dans leur intime, afin qu’elles soient mieux comprises, mieux accompagnées.
Penser les blessures de l’intime permet de zoomer et de se focaliser sur la personne blessée et non plus sur l’acte de violence en lui-même traversé par la personne. Cela coupe court aussi aux discours juridicisés c’est-à-dire aux discours des personnes (accompagnant, parent, soignant et autres) qui veulent immédiatement calquer des mots juridiques sur une réalité de souffrances traversées.
Les larmes seront vues différemment aussi, la bienveillance bien plus mise en acte. Et, qui sait, le droit pourrait comme par magie se plier à l’évolution sociétale de la prise en compte des blessures de l’intime. La notion de consentement n’aurait plus cours s’agissant des violences sexuelles envers les mineurs puisqu’elles seraient avant tout lues sous l’angle d’une blessure infligée au corps et non plus d’un choix dans sa sexualité.
L’expression « blessures de l’intime » permettrait enfin de mieux accompagner les conduites entre enfants, de conforter le caractère précieux du corps et des parties intimes, des limites à ne pas dépasser pour respecter l’autre dans son intime.
Bonjour Jennie, très juste, je pense que c’est très juste et que cette expression « blessure de l’intime » va aider à soigner et à entrer avec plus de douceur sur un chemin de réparation de l’être.
Amitiés
Luc.
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