Réfléchir ensemble

« On ne touche pas ici », une règle insuffisante

didi-et-kiko

Il y a quelques années, le Conseil de l’Europe a créé une campagne de prévention contre les abus sexuels envers les enfants. Pour cela, ils ont inventé Kiko et la Main. Kiko est un petit personnage qui discute avec une Main. Et, cette Main lui transmet plusieurs messages dont la règle « on ne touche pas ici ».

J’ai beaucoup hésité à écrire sur cette campagne car il y a trop peu d’actions de prévention au niveau international et national qui sont menées sur le sujet des violences sexuelles envers les enfants et, en même temps, depuis près de 4 ans que j’écris ce site, je ne peux que constater que la règle « on ne touche pas ici » est largement insuffisante et mal adaptée.

Le principal défaut de cette règle est l’usage du terme « ici ». Que veut dire « ici » pour un enfant ? Est-ce un endroit ? Un corps ? Je ne doute pas qu’il y ait eu de nombreuses discussions lors de la création de cette campagne et notamment des questionnements linguistiques, pourtant, il est indéniable que le terme « ici » est bien trop imprécis pour faire comprendre à un enfant que personne n’a le droit de toucher ses parties intimes y compris son père y compris sa mère.

Ensuite, deuxième écueil à mon sens, certes il est important d’apprendre à un enfant à dire non (même si on sait que très naturellement il n’a pas besoin de « l’apprendre » car par effet de mimétisme, il utilisera très rapidement ce terme et saura dire qu’il ne souhaite pas quelque chose) mais il est encore plus important selon moi de responsabiliser les parents dans leur rôle vis-à-vis de leurs enfants lorsqu’il s’agit de les protéger contre les violences sexuelles. A l’aune de cette réflexion, je vous invite donc à regarder ou re-regarder avec attention les 30 secondes du spot de prévention du Conseil de l’Europe :

Qu’avez-vous ? Que fait la Main ? Comment agit-il envers Kiko ?

Comme vous pourrez le constater la Main souhaite toucher les parties intimes de l’enfant (dont le corps est réduit à une culotte) et parce que Kiko dit non, la Main se retire et s’en va gentiment.

Si on se place d’un point de vue juridique, en droit français, la tentative et la menace de violences sexuelles sont sanctionnées comme étant des violences sexuelles. Et, nous sommes tous en devoir de transmettre toutes les informations susceptibles d’empêcher un délit ou un crime. C’est donc un message erroné que d’apprendre à un enfant que s’il dit non, la « Main » s’en ira et n’aura rien fait de mal.

Si on va un peu plus loin encore et que l’on s’intéresse un peu plus au message de prévention véhiculé par ce spot, celui-ci montre aux enfants qu’en disant non, ils parviendront à s’auto-protéger et cela sans l’aide d’aucune personne de confiance à leurs côtés, sans l’aide d’un adulte.

Or, la réalité est toute autre et les situations d’inceste viennent nous indiquer que sans l’aide d’une personne de confiance, qui dénoncera les faits, un enfant, même en disant non, a peu de chance d’échapper à un auteur dont la stratégie d’agression est enclenchée.

Cette campagne de prévention s’avère donc pour le moins minimaliste et largement insuffisante. Elle devrait n’être considérée que comme un tout petit point de départ pour amorcer la transmission d’un langage commun avec son enfant sur le sujet des violences sexuelles.

En fin de compte, ce qui est important est que VOUS puissiez aborder le sujet avec votre enfant et, pour cela, peu importe les défauts des outils de prévention utilisés, il convient surtout de se rappeler ces quelques indications :

  • c’est la répétition qui fait la prévention, vous devez répéter les règles de prévention  des violences sexuelles à votre enfant de la même manière que pour les règles de sécurité routière
  • retenez que ce sont les proches des enfants et ceux qui s’occupent d’eux qui les violentent sexuellement, et que pour cela, ils usent de stratégie. C’est à vous de questionner votre enfant pour savoir si il a été victime
  • expliquez à votre enfant que son corps est important, qu’il a de la valeur, qu’il faut en prendre soin
  • vous devez dire à votre enfant de manière claire que personne n’a le droit de toucher ses parties intimes (y compris vous), nommées avec les noms anatomiques, pénis, testicule, anus, fesse, vulve, clitoris, vagin, seins, bouche
  • en tant que parent, il convient de retenir que c’est vous qui êtes la personne la mieux placée pour protéger votre enfant contre les violences sexuelles :
    • je me fis à mon instinct quand je confie mon enfant à quelqu’un
    • je parle à cette personne du sujet des violences sexuelles pour connaître ses réactions et j’accueille mes ressentis, mes réactions corporelles pour savoir si à l’intérieur de moi ça me fait oui ou non de confier mon enfant
    • j’observe mon enfant dans ses réactions quand je lui dis que je vais le confier à telle personne et je le questionne après pour savoir comment cela s’est déroulé : est-ce qu’on s’est bien occupé de toi ? a-t-on pris soin de ton corps ? est-ce que quelqu’un a voulu toucher tes parties intimes ? Plus vous prenez l’habitude de demander à votre enfant comment il se sent dans son corps en étant attentif à sa réponse, plus il prendra l’habitude de vous dire ce qui va ou non dans son corps y compris ses parties intimes
  • prévenir les violences sexuelles, c’est avant tout prévenir un danger qui s’exerce sur le corps de l’enfant – moins vous confondez sexualité et violences sexuelles plus votre discours sera clair et impactera positivement votre enfant
  • votre enfant ne sera pas traumatisé par vos propos si vous êtes clair avec vous même : je préviens un danger, c’est comme lorsque l’on explique qu’il faut mettre de la crème solaire et ses lunettes quand il y a du soleil, attendre que le petit bonhomme passe au vert avant de traverser, laver ses dents pour éviter les caries etc
  • vous devez respecter les « non » déjà prononcés par votre enfant ou manifestés corporellement par lui, cela lui apprend qu’il est un être humain, que tout le monde doit le respecter et qu’il a une valeur
  • expliquez lui l’existence des faux secrets : un secret qui te rend triste est un secret qu’il faut que tu me confies. Et, ajoutez, tu peux tout me dire, je suis de ton côté, je suis là pour toi.

Si vous souhaitez aller un peu plus loin encore dans les messages de prévention adaptés, je vous invite à regarder la vidéo que j’ai créée et qui vous apprend une méthode de prévention des violences sexuelles simple et complète. Cette méthode s’appelle La Quête, qui est l’acronyme de QUestionner, Ecouter, Transmettre et Entourer. Ce sont 4 mots à retenir pour protéger vos enfants.

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