Apprendre à prévenir les violences sexuelles

La Commission indépendante sur l’inceste publie ses premières conclusions sur la prévention

Aujourd’hui, la Commission indépendante sur l’inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants a rendu ses conclusions intermédiaires, première mouture de cette première année de travail à récolter des informations et à auditionner les victimes et les soignants.

Pour rappel, la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE), installée le 23 mars 2021 pour deux ans est une instance indépendante, qui s’est d’abord construite comme l’espace de recueil de la parole des femmes et des hommes victimes de violences sexuelles dans leur enfance. C’est sa vocation. Quatre mois après le lancement de l’appel à témoignages le 21 septembre 2021, plus de 10 000 témoignages ont été recueillis. La CIIVISE dispose d’un site internet dédié : https://www.ciivise.fr/ et la récolte des témoignages a toujours lieu, plus d’informations ici.

La CIIVISE a construit ses travaux sur quatre axes fondamentaux : le repérage des enfants victimes, le traitement judiciaire des violences sexuelles, la réparation et la prévention de ces violences. Après un an de travail, elle a fait vingt premières préconisations pour mieux protéger les enfants.

Le quatrième axe nous intéresse tout particulièrement puisqu’il s’agit de la prévention des violences sexuelles commises à l’encontre des enfants. Dans sa synthèse, la CIIVISE précise le contenu de cet axe :

« La protection des enfants victimes de violences sexuelles est une priorité. Ces enfants existent, ils vivent dans la peur. Nous devons les libérer de leur agresseur et les mettre à l’abri. Mais il faut aussi, en même
temps, s’engager dans la prévention des violences sexuelles. La prévention, c’est à la fois repérer les
situations à risque, protéger l’enfant avant qu’il ne soit attaqué : protéger, c’est anticiper le risque. Protéger, c’est aussi empêcher la récidive. Nous devons accepter l’idée qu’aucun agresseur ne doit rester sans contrôle social. Nous ne pouvons pas faire courir ce risque aux enfants. Et prévenir, c’est aussi construire une société sans violences, c’est-à-dire lutter contre les stratégies de domination et d’appropriation du corps de l’autre, veiller à respecter l’intégrité des plus vulnérables et parmi eux, les enfants, dont tout particulièrement les enfants handicapés. Enfin, prévenir, c’est éveiller les consciences, c’est vouloir que le mouvement de libération de la parole ne soit pas étouffé, c’est s’organiser pour que cette parole construise la culture de la protection. C’est une ambition immense qui dépasse largement ces conclusions intermédiaires. »

Les 4 préconisations concernant l’axe prévention sont les suivantes :

« 

Préconisation 17 : former les professionnel.le.s au respect de l’intimité corporelle de l’enfant.
Préconisation 18 : renforcer la formation initiale et continue de tou.te.s les professionnel.le.s
avec un module spécifique validé dans les diplômes.
Préconisation 19 : assurer la mise en œuvre effective à l’école des séances d’éducation à la vie
affective et sexuelle et garantir un contenu d’information adapté au développement des enfants
selon les stades d’âge
Préconisation 20 : organiser une grande campagne nationale sur les violences sexuelles faites
aux enfants afin de faire connaître leurs manifestations et leurs conséquences sur les victimes,
de faire connaître les recours possibles pour les victimes, de mobiliser les témoins en rappelant
que ce sont des actes interdits par la loi et sanctionnés par le Code pénal.

Ces préconisations sont intéressantes mais elles manquent deux dynamiques indispensables selon nous :

1) L’enjeu de créer une véritable société toute entière tournée vers la prévention des violences sexuelles comme c’est le cas pour la sécurité routière en impliquant directement les parents, en leur offrant de vrais espaces de paroles et d’échanges, en créant des maisons de parents, et en mettant à leur disposition plusieurs outils de prévention disponibles en fonction des âges des enfants.

2) La création d’un site internet officiel de ressources et outils de prévention pour les parents et les soignants ou accompagnants prévenants comme l’exemple du site yapaka.be, avec des outils qui sollicitent les ressources des enfants plus que les exposent à des contenus peu rassurants ou sans image de la réalité de ce que sont les violences sexuelles à savoir des atteintes sur le corps, des touchers désagréables sur leur corps.

3) La dimension temporelle est aussi absente de ces préconisations. Pourtant, la CIIVISE semble percevoir cet enjeu temporel « La prévention, enfin. Il faut d’abord protéger les enfants victimes mais il faut aussi construire une société plus protectrice où les enfants vont grandir en sécurité. » Lancer une grande campagne de prévention ne serait qu’une redite une fois de plus parmi les dispositifs déjà expérimentés. La prévention des violences sexuelles demande plus d’ambition, de ressources et de détermination sur une vision au moins à 10 ans voir 15 ans, afin de réellement toucher toute une génération de nouveaux parents et faire progresser le sens du respect du corps.

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