Lorsque nous souhaitons engager une démarche préventive visant à prévenir les violences sexuelles commises à l’encontre des enfants, la base de toute attitude ou action préventive est le respect du corps de l’enfant.
Le corps de l’enfant n’appartient qu’à lui. Lui dénier sa propriété absolue, ses limites corporelles en usant de la violence éducative ordinaire, c’est ne plus le laisser maître de son corps. C’est lui dénier sa propriété. C’est lui faire croire qu’il ne possède pas les différentes parties de son corps. C’est lui retirer sa capacité d’auto-défense lorsqu’on lui impose un contact corporel. C’est nier que toute personne doit respecter le corps de l’enfant car il est un être humain.
Aussi, est-il indispensable de comprendre que :
» nul, pas même le ou les titulaires de l’autorité parentale, n’a le droit d’user de violence physique, d’infliger des châtiments corporels et des souffrances morales ou de recourir à toute autre forme d’humiliation envers un enfant. »
Prévenir les violences sexuelles, c’est abolir les violences éducatives ordinaires.
Prévenir les violences sexuelles, c’est interdire toute forme de violences physiques envers les enfants.
Prévenir les violences sexuelles, c’est ne jamais user de châtiments corporels.
Prévenir les violences sexuelles, c’est ne jamais humilier l’enfant de quelque manière que ce soit.
Une bonne éducation n’est pas l’usage de la violence éducative ordinaire. Une bonne éducation, c’est l’usage en permanence de la bienveillance vis-à-vis de l’enfant : de son corps, de ses émotions, de ses ressentis.
Une image intéressante rend compte de ce que la violence éducative ordinaire est très souvent rendue invisible comme cachée par un « c’est pour ton bien » qui en réalité nuit, est toxique et destructeur pour l’enfant.
Les chiffres démontrant la violence éducative ordinaire en France sont importants :
La violence éducative ordinaire, c’est :
→ 85 % des parents français disent pratiquer la violence éducative ordinaire
→ plus de la moitié des parents frapperaient leurs enfants avant l’âge de 2 ans, et les trois quarts avant 5 ans
→ En France, 2 enfants par jour meurent sous les coups de leurs parents
→ Il existe aujourd’hui en France plus de 100000 cas connus d’enfants en danger (10 % de plus qu’il y a dix ans), près de 300000 pris en charge par l’ASE
→ 44 % des enfants maltraités ont moins de 6 ans
→ 75 % des maltraitances se font dans un contexte de punitions éducatives corporelles
Les violences éducatives sont les racines de la maltraitance ; ce sont elles aussi qui confortent la domination par les adultes sur les enfants, la domination des hommes sur les enfants et sur leur corps et conduit notre société à nier et reproduire les violences sexuelles commises à l’encontre des enfants.
En éduquant nos enfants dans la violence éducative ordinaire, nous leur apprenons à être violents psychologiquement et/ou physiquement envers eux-mêmes mais aussi envers les autres, et nous les condamnons à vivre toute leur vie sous l’emprise de ces rapports de domination, si courants dans les couples, écrit Frédérique Herbigniaux, sociologue
La violence éducative ordinaire est pourtant le terreau de la maltraitance, d’une grande partie de la violence des adultes et, particulièrement, de la violence conjugale. Beaucoup de mères adoptent sans en avoir conscience des comportements qui se veulent de bonne foi éducatifs, mais qui risquent d’amener leurs fils à avoir le même comportement à l’égard de leur épouse ou de leur compagne. Et en frappant leurs filles, elles prennent le risque de les voir, comme beaucoup de femmes indiennes par exemple, accepter d’être battues par leur mari “pour des raisons valables” tout simplement parce qu’elles estiment avoir été battues par leurs parents “pour des raisons valables”, les mêmes qui les font battre leurs propres enfants, écrit Olivier Maurel.
Or en plus, attention, cerveau bobo !
Le cerveau de l’enfant, surtout avant 5 ans, est très immature:
→ L’enfant est dominé par son cerveau archaïque qui le pousse à réagir instinctivement pour sa survie : attaque, fuite ou sidération lorsqu’il se sent en danger ou que ses besoins fondamentaux ne sont pas assurés.
→ L’enfant est dominé par son cerveau émotionnel: il vit ses émotions très intensément, sans filtre, il n’a pas la capacité de les contrôler, de prendre du recul.
→ L’enfant ne peut pas se calmer seul. Lorsqu’il est laissé seul face à ses émotions de tristesse, de peur, de colère, des molécules de stress sont sécrétées (adrénaline, cortisol).
→ Apaiser, mettre des mots sur ses émotions permet de diminuer la production de molécules de stress.
→ On ne peut pas demander à un enfant de faire ce que son cerveau n’a pas la capacité de comprendre ou maîtriser (ex : formule négative, compréhension d’une règle, stopper son comportement).
→ L’enfant n’a pas la capacité d’entrer dans un rapport de pouvoir, ni de manipuler.
Pour mieux comprendre les émotions de l’enfant, il est intéressant de lire l’ouvrage d’Isabelle Filliozat, Au coeur des émotions de l’enfant.
Le cerveau de l’enfant est donc très fragile et malléable : l’environnement dans lequel évolue l’enfant a un impact sur le développement de son cerveau et donc sur son comportement et son état de santé.
Il faut donc prendre conscience de l’importance d’une éducation non violente.
Car les conséquences de la violence éducative ordinaire sont dévastatrices et néfastes pour le développement de l’enfant ; et surtout, elles empêchent de prévenir les violences sexuelles.
Voici 3 bonnes raisons de supprimer définitivement tout usage de la violence éducative ordinaire et de légiférer pour l’abolition de toutes les formes de violence à l’égard des enfants :
1) Les violences éducatives ordinaires n’ont pas de vertus éducatives. De multiples études ont montré que la croyance à la valeur éducative de la claque et de la fessée est tout à fait illusoire. Les effets de ces violences subies dans l’enfance sont au contraire : agressivité contre les pairs, les éducateurs et les parents, insolences, provocations, dissimulations, échecs scolaires, baisse de l’estime de soi. De très nombreuses études ont montré qu’en matière de délinquance et de criminalité, la majorité des violences commises sont la conséquence de violences subies dans l’enfance ou l’adolescence.
2) Il est bien difficile pour un enfant de parler ou pour un adulte d’intervenir en cas de constat de violence sans l’appui d’une loi: manque de crédibilité, sentiment d’illégitimité. Les enfants ne savent pas vers quelle personne de confiance se tourner pour parler de violences éducatives ordinaires subies à la maison. Les enfants frappés se sentent en général coupables de l’être et ils se gardent bien d’en parler. Il y a certes un numéro vert – le 119 – affiché à l’entrée des établissements scolaires, mais il est difficilement joignable et les personnes qui répondent se disent non compétentes pour traiter de la violence éducative ordinaire.
3) Les violences éducatives empêchent les enfants de s’approprier leur corps. En vivant sous la peur permanente de subir des violences éducatives pour son bien, on empêche l’enfant de s’auto-protéger. Il ne peut pas prendre conscience que son corps est important et qu’il n’appartient à personne d’autre qu’à lui. On conforte la stratégie des agresseurs sexuels : « c’est de ta faute si tu as subi les violences sexuelles, tu l’as bien cherché, ton corps est à moi et non à toi, je fais ce que je veux de toi ». On empêche l’enfant de prendre la parole librement sur les atteintes corporels qu’il peut subir.
Principale source de ce document : dossier de presse réalisé par l’OVEO s’agissant du projet de proposition de loi relatif à l’abolition de la violence envers les enfants.