
Lorsque les enfants essayent de nous dire les souffrances qu’ils vivent, lorsqu’ils essayent de nous dire ce qui leur fait mal, ils se retrouvent souvent face à un mur, un mur d’incompréhensions, un mur qui les contraint au silence.
Beaucoup de parents, d’éducateurs, d’enseignants, de proches ont du mal à prendre le temps, à s’arrêter de faire ce qu’ils sont en train de faire, à s’arrêter de parler pour écouter ce que l’enfant a à dire.
Apprendre à écouter avec empathie, c’est d’abord faire de la place à l’enfant pour qu’il puisse parler, avec ses mots à lui et dire ce qu’il ressent.
Apprendre à écouter avec empathie pour libérer la parole de l’enfant violé ou agressé sexuellement, c’est laisser naître un espace bienveillant de parole entre vous et l’enfant.
Apprendre à écouter avec empathie pour entendre les mots d’un enfant violé ou agressé sexuellement, c’est rester silencieux dans l’empathie et attendre patiemment que l’enfant trouve le chemin pour dire avec ses mots ce dont il est victime.
Dans l’ouvrage Parler pour que les enfants écoutent, Ecouter pour que les enfants parlent, Adèle Faber et Elaine Mazlish nous apprennent à faire l’expérience des réactions et réponses des adultes face à une situation que vit l’enfant. Leurs conclusions sont très intéressantes.
Elles nous expliquent : « quand je suis bouleversée ou blessée, la dernière chose que je suis disposée à entendre, c’est un conseil, de la philosophie, de la psychologie ou le point de vue d’une autre personne. Je me sens encore plus mal quand on me parle de cette façon-là. La pitié me fait sentir pitoyable ; les questions me mettent sur la défensive ; et ce qui me rend encore plus furieuse, c’est d’entendre que je n’ai aucune raison de me sentir comme je me sens. Ma réaction la plus typique à la plupart de ces réponses, c’est : « Ah! Laisse tomber ! Pourquoi continuer d’en parler ?
Mais si quelqu’un m’écoute réellement; s’il reconnaît ma souffrance intérieure; s’il me laisse parler davantage de ce qui me contrarie, alors je commence à me sentir moins bouleversée, moins confuse, beaucoup plus en mesure de faire face à mes sentiments et à mon problème.
Le processus n’est pas différent dans le cas des enfants. Ils peuvent se sentir soulager si nous leur « offrons une oreille attentive et une réaction empathique. Mais le langage de l’empathie ne nous vient pas naturellement. Il ne fait pas partie de notre langue universelle. La plupart d’entre nous avons grandi dans un entourage niant trop souvent nos sentiments. »
Alors, une des solutions qui existe pour permettre de libérer la parole, c’est apprendre à écouter. Comment ? En commençant par adopter un silence empathique.
Comme nous l’explique les auteures de l’ouvrage « bien au-delà du vocabulaire, ce qui compte le plus, c’est l’attitude. Si notre attitude ne repose pas sur la compassion, tout ce que nous disons sera perçu par l’enfant comme mensonger ou manipulateur. C’est lorsque nos paroles sont empreintes d’un véritable sentiment d’empathie qu’elles parlent directement au coeur de l’enfant ».
Or, lorsqu’un enfant est victime de viols et d’agressions sexuelles, son agresseur fait tout pour que jamais il ne puisse parler. L’enfant se sent seul. Il ne dispose pas d’un espace libre pour parler. Et, cela d’autant que l’agresse, pour le faire taire, le violente, le contraint, lui fait du chantage et le menace.
Mais fort heureusement et très souvent, l’enfant va vouloir quand même parler. Il voudra dénoncer ce dont il est victime, ce qu’on lui fait, ce qui lui fait mal. Et, si il n’y parvient pas, son corps parlera pour lui.
Alors adopter une attitude empathique, c’est donner une chance à l’enfant d’être entendu, d’être protégé, que les agressions sexuelles cessent, que les viols s’arrêtent.
Adopter une attitude empathique, apprendre à avoir une écoute empathique, devenir une oreille attentive, adopter des silences empathiques, respecter la parole de l’enfant (les mots qu’il emploie) et ses réactions (quelles qu’elles soient sans les critiquer car vous n’êtes pas lui) sont des solutions pour permettre à l’enfant victime de violences sexuelles d’avoir un espace de parole suffisamment sécurisé pour lui permettre de se libérer du pire de ce qu’il vit.
Pour avoir un exemple concret de ce qu’est un silence empathique, vous pouvez consulter la dernière campagne d’Amnesty Internationale 4 minutes dans les yeux d’un réfugié dont l’objectif est de faire prendre conscience au monde entier qu’un réfugié est avant tout une personne, qui a sa propre histoire personnelle, qui ressent des sentiments et des émotions qui lui sont propres.
De la même manière, adopter une attitude empathique avec un enfant, c’est le considérer dans tout sa personne, lui signifier par votre attitude qu’il est important, qu’il a de la valeur, que ses ressentis et ses émotions lui appartiennent et qu’il peut les exprimer librement sans être critiqué, jugé ou culpabilisé. C’est lui montrer que vous le respectez, que vous respectez ses sentiments, ses ressentis, ses émotions, ses souffrances et son corps. C’est donner du sens à sa parole. C’est l’accompagner dans sa réappropriation de son corps. C’est le conforter dans sa parole et l’importance du respect de son corps.
C’est lui signifier que l’agresseur n’avait pas le droit de l’agresser, de le violer et que c’est interdit par la loi.
A l’image de ces 4 minutes durant lesquels des inconnus se rencontrent, osons prendre 4 minutes empathiques de silence chaque jour pour regarder et écouter un ou son enfant et lui laisser la place de prendre la parole.
Cette attitude préventive, visant à adopter le silence empathique comme méthode de communication avec un enfant, lui permettra le jour où il en aura besoin de pouvoir prendre la parole sur ce qu’il vit de plus grave, ce qui, intérieurement, le brise, lui nuit, le fait souffrir. Il pourra, si il est victime de violences sexuelles, s’adresser à vous car il aura confiance et saura que vous allez l’écouter attentivement.