Rio 2016 : renforçons la protection contre les violences sexuelles

Cette année, Rio accueille les Jeux Olympiques et les Jeux Paralympiques. L’ensemble des pays du monde et leurs sportifs s’y préparent.
Or, ainsi que le précise le préambule de la Charte relative à la prévention des violences sexuelles dans le sport adoptée en 2008 par le gouvernement français et signée notamment par le Comité National Olympique et Sportif Français CNOSF, « dans le sport, comme ailleurs, ces violences sont sources de souffrances pour les victimes et entraînent des responsabilités légales, financières et morales pour les organisations sportives et des responsabilités pénales pour les auteurs de ces violences. 
 
Dans le sport, comme ailleurs, tous les adultes partagent la responsabilité visant à identifier et à prévenir le harcèlement et les violences sexuels vis-à-vis de quiconque. Une attitude de respect des personnes et de rejet des différentes formes de maltraitances sexuelles, sexistes ou homophobes désignées ci-après par le terme « violences sexuelles » peut contribuer à leur prévention aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des structures sportives. »  (voir le dossier de presse du gouvernement).
En choisissant de respecter cette charte, le CNOSF s’est engagé en tant qu’acteur du mouvement sportif avec les fédérations sportives à lutter contre toutes les formes de discrimination et de violence dans le sport. Pour cela, la charte vise explicitement la condamnation de toutes les violences sexuelles et de toutes les discriminations liées au sexe ou à l’orientation sexuelle.
« Cette charte incite les organisations sportives à promouvoir une attitude préventive et à remplir leur obligation de signalement en cas de maltraitances identifiées ou suspectées. 
 
La charte constitue le fondement de toute action de prévention, de sensibilisation, de formation, et d’éducation. 
 
Elle incite à la vigilance à l’égard des comportements violents, à la bienveillance à l’égard des victimes et à la mise en oeuvre des procédures de plainte et de soutien s’il y a lieu ». 
De plus, les acteurs du mouvement sportifs proclament comme valeur première le respect des personnes, et plus particulièrement des personnes vulnérables comme peuvent l’être les enfants, les jeunes filles, les femmes ou les personnes discriminées pour une raison ou une autre.
Sur son site, le CNOSF rappelle que la prévention des violences sexuelles est une responsabilité collective : l’ensemble du mouvement sportif et des acteurs du sport se doit de permettre la pratique sportive de tous dans des conditions d’intégrité et de sécurité. Pour cela, le CNOSF invite les dirigeants, les éducateurs mais aussi les parents et les sportifs à suivre les bonnes pratiques qu’il a définit.
Or, alors qu’en France, en 2008, cette Charte est adoptée, la même année à Rio de Janeiro est accueilli le 3ème Congrès Mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants et des adolescents. A cette occasion, 137 gouvernements ont réfléchi ensemble aux moyens de lutter encore plus activement contre les violences sexuelles commises à l’encontre des enfants.
A l’origine, le premier Congrès Mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants et adolescents s’est tenu à Stockholm, en Suède en 1996. Lors de ce Congrès, les gouvernements présents ont pour la première fois reconnu publiquement l’existence de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. Ce premier Congrès Mondial s’est achevé par l’adoption d’un Agenda pour l’action et depuis, plusieurs acteurs à travers le monde ont concentré leurs efforts autour de cette même stratégie et davantage d’entités gouvernementales et non gouvernementales ont uni leurs forces afin d’assurer des changements positifs pour les enfants et de protéger leur droit de vivre à l’abri de toute exploitation sexuelle.
En 2008, la Déclaration et le Plan d’action de Rio de Janeiro pour prévenir et éradiquer l’exploitation sexuelle des enfants et des adolescents se présentaient donc comme la résultante de vingt années d’actions entreprises à l’échelle mondiale par une large alliance créée au sein de la société.
Ce troisième Congrès dressait plusieurs constats.
Des méthodes de plus en plus sophistiquées sont à la portée de ceux qui cherchent à exploiter des enfants ; celles-ci s’étant aussi développées de manière exponentielle.
Il faut nécessairement répondre à ces nouvelles formes d’exploitation sexuelles telles que l’exploitation à travers l’utilisation de l’Internet ou de la téléphonie mobile.
Il faut utiliser l’expérience acquise qui montre que le niveau d’engagement, les responsabilités prises et le rôle que joue un gouvernement dans l’établissement et le maintien des normes de protection, telles que les initiatives mises en œuvre pour protéger les droits des enfants, déterminent la nature, la quantité et la qualité des progrès réalisés par un pays en faveur de ces enfants.
Il est frappant que tous les pays n’ont pas encore d’actions suffisamment coordonnées et qu’il reste encore beaucoup de progrès à accomplir. (voir le rapport de suivi de la mise en oeuvre de la Déclaration en France ainsi que la page consacrée sur le sujet par le Ministère de la santé)
La Déclaration de Rio constataient ainsi la vulnérabilité croissante des enfants dans un monde de plus en plus instable. Cet accord, véritable outil de plaidoyer, se présentait donc d’abord comme une déclaration d’intentions dont l’objectif était évidement une traduction concrète sur le terrain et, cela, au moyen d’un plan d’action.
Bien que l’intention de lutter et la mobilisation gouvernementale soient fortes le constat est toujours aussi accablant.
8 ans après la signature de la Charte de prévention et de la Déclaration internationale, les Jeux Olympiques de Rio sont de nouveau l’occasion de rappeler la nécessité de renforcer les dispositifs de prévention des violences sexuelles notamment commises à l’encontre des enfants que ce soit à l’intérieur des structures sportives mais aussi à l’extérieur de celles-ci.
En effet, comme lors de nombreuses manifestations internationales, avec l’augmentation du nombre de touristes venus soutenir les sportifs qualifiés pour les Jeux, de même qu’avec le déplacement de l’ensemble du staff des sportifs et des sportifs eux-mêmes, il y a déjà et il y aura encore une augmentation du nombre de mises en prostitution d’enfants. (Voir le reportage vidéo d’Euronews sur le tourisme sexuel lors de la Coupe du monde de 2014).
Et, ceci alors qu’est dénoncée la culture du viol au sein de la société brésilienne et que de multiples associations et ONG agissent déjà sur le terrain pour lutter activement contre la prostitution enfantine. (voir notamment l’association Barraca da Amizade)
Face à cette situation plus que dramatique pour la vie et l’avenir de ces enfants et qui génère non seulement des réseaux de mise en prostitution de plus en plus complexes et des ressources financières importantes, deux initiatives sont cependant à remarquer et à relayer.
La première est celle du Président du Comité Olympique Australien John Coates qui vise à lutter activement contre les violences sexuelles commises à l’encontre des enfants.
Pour cela, John Coates a fait modifier le code de bonnes pratiques du Comité Olympique Australien. L’objectif est de débusquer tout entraîneur et/ou officiel qui aurait violenté sexuellement des sportifs et, en particulier, des enfants afin de l’exclure des Jeux Olympiques de Rio.
La seconde est celle de la Coalición Regional contra el Tráfico de Mujeres y Niñas en América Latina y el Caribe – CATWLAC qui vise, par le biais d’une campagne de communication, à lutter  contre l’exploitation sexuelle des filles et des femmes durant les Jeux Olympiques.
Pour cela, la Coalition a rédigé un Manifeste traduit en plusieurs langues : Dites non au tourisme sexuel, acheter du sexe n’est pas un sport !

 

Le contenu du Manifeste est éclairant :

– Comme vous le savez, 6 millions de touristes ont assisté à la Coupe du Monde de 2014, et le même nombre devrait se rendre au Brésil afin d´assister aux Jeux Olympiques de 2016.
– Tandis que la majorité des touristes profite de la beauté, des attractions et des plages de votre pays, les statistiques du Ministère du Tourisme brésilien indiquent qu´un nombre significatif d´individus se rendent au Brésil pour le tourisme sexuel, et souvent pour le tourisme sexuel infantile. Venus assister à de grands événements sportifs, certains touristes exploiteront sexuellement des femmes, des enfants et des adolescents.
– Plusieurs organisations internationales ont indiqué que le Brésil présente le taux de tourisme sexuel le plus élevé parmi les pays d´Amérique latine et des Caraïbes. Nous saluons les mesures entreprises par votre gouvernement en vue de prévenir la traite et l´exploitation sexuelle au Brésil, ainsi que les fonds alloués à l´assistance aux victimes, et au développement de campagnes de sensibilisation sur ce thème.
Néanmoins, nous suggérons respectueusement à votre gouvernement de continuer à renforcer ses efforts visant à prévenir, éradiquer et sanctionner le tourisme sexuel au Brésil. La loi brésilienne définit la traite en se basant sur le mouvement, contrairement aux principes établis par le Protocole de Palerme de l´ONU, ratifié par votre pays. Le gouvernement brésilien devrait donc s´engager à criminaliser ceux qui prennent part à l´exploitation sexuelle des êtres humains, y compris le tourisme sexuel.
 
– Selon l´Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), le tourisme sexuel s´inscrit dans un contexte plus large et plus complexe que la simple interaction entre les individus procurant et offrant des services sexuels:
      « Le tourisme sexuel […] s´appuie sur la participation directe ou indirecte des chauffeurs de taxi, du personnel travaillant dans les hôtels, les bars et les restaurants, des entrepreneurs locaux, ainsi que des organisations du crime organisé impliqués dans la traite des femmes et des enfants… »
– Par conséquent, avec approximativement 500,000 enfants qui seraient vendus à des fins sexuelles, le Brésil est sur le point de devenir le pays comptant le plus d´enfants en situation d´exploitation au monde. Durant la Coupe du Monde, il a été rapporté qu´aux alentours des stades, les services sexuels de jeunes filles âgées d’à peine 10 ans, étaient vendus pour seulement 6 réaux.
Il existe une évidente contradiction entre l´actuelle législation qui pénalise le proxénétisme, et la reconnaissance de la prostitution en tant que profession légitime.
Depuis 2002, le Ministère du travail et de l´emploi du Brésil a intégré la prostitution à la classification brésilienne des métiers (CBO) pour toute personne âgée de plus de 18 ans. Par conséquent, les catégories 5198 et 5198-05 du CBO violent clairement l´article 6 de la Convention des Nations Unies sur l´élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), également ratifiée par le Brésil. D’autre part, selon le Ministère du Travail brésilien, il semblerait que le niveau moyen d’éducation des personnes en situation de prostitution se situe entre le CM1 et la 5ème. Il s´agit d’un très faible niveau d´éducation, ce qui tend à indiquer que la prostitution affecte les catégories les plus démunies de la société, confrontées au manque d´opportunités et à l´exclusion sociale.
– L’inégalité, la pauvreté, la discrimination et la violence basée sur le genre figurent parmi les facteurs favorisant la croissance du commerce sexuel et la vente de milliers de femmes et de filles au Brésil. En plein jour, des touristes se rendent à la plage dans l´intention d´acheter du sexe. Tous ces facteurs combinés favorisent la croissance alarmante de la traite et de l´exploitation sexuelle tant au niveau national qu´international.
– Il existe des liens établis entre l´augmentation de la demande, la croissance de l´exploitation sexuelle des femmes, des enfants et des adolescents, la légalisation de la prostitution, et la tenue de grands événements sportifs, et ce, pas seulement au Brésil. Ce phénomène a également été observé en Allemagne, en Afrique du Sud, aux Etats-Unis et dans d´autres pays partout dans le monde. Les proxénètes et les trafiquants connectent les clients (la demande) avec des êtres humains vulnérables, en particulier, les femmes, les enfants et les adolescents.
– Nous saluons les progrès réalisés par le Brésil en vue d´améliorer son Indice de Développement Humain (IDH) ces dernières années ; toutefois, permettre l´achat et la vente d´êtres humains, en particulier des femmes, des enfants et des adolescents dans le cadre de l´industrie du sexe, n´est pas compatible avec les engagements internationaux du Brésil.
– Nous savons que votre gouvernement a fait preuve d´une grande détermination et d´une réelle volonté politique de faire respecter l´égalité des genres et les droits humains des femmes et des enfants ; néanmoins, en ce qui concerne cette thématique en particulier, des actions supplémentaires et une plus grande cohérence entre la loi et les politiques publiques s´imposent.
Déclaration
Madame la Présidente, nous vous appelons respectueusement, en tant que présidente de l´un des pays les plus aimés au monde, à tenir compte de la situation brésilienne susmentionnée et à mettre en œuvre des mesures définitives étant donné que :
  • Le tourisme sexuel est un crime. Au Brésil comme ailleurs, le tourisme sexuel devrait être un crime passible d’une peine d´emprisonnement.
  • Le corps et la vie des femmes et des filles ne sont pas des marchandises. L´achat d´une femme ou d´une fille à des fins de prostitution viole leurs droits fondamentaux.
  • Sans demande, il n´y a pas d´offre. L´exploitation sexuelle des femmes, des enfants et des adolescents n´existe que par ce que des hommes sont prêts à payer pour obtenir du sexe. Comme pour tout type de marché, il n´existe pas d´offre sans demande.
  • Vivre une vie exempte d´exploitation sexuelle est un droit humain. La prostitution n´est pas un choix pour la vaste majorité des femmes qui la pratiquent, mais plutôt leur unique moyen de survie face à la pauvreté et au manque d´opportunités. La prostitution perpétue le stéréotype selon lequel le corps des femmes et des filles sert à satisfaire les besoins sexuels des hommes

 

NOUS, LES SIGNATAIRES, DEMANDONS:
Aux pays participant aux Jeux Olympiques de 2016 et ayant ratifié les conventions et/ou protocoles internationaux sur la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des filles, de s´opposer officiellement au tourisme sexuel croissant durant les événements sportifs.
Au Comité International Olympique, son président, son conseil d´administration, ses comités nationaux, ses entraîneurs et ses organes techniques, de promouvoir le « fair play » lors d´événements sportifs sans tourisme sexuel.
Aux athlètes membres des équipes nationales qui participeront aux Jeux Olympiques de Rio de Janeiro, de s’engager à ne pas consommer de prostitution. Ces athlètes sont des modèles pour de nombreux adolescents et jeunes adultes et leurs actions influencent leur comportement social.
Aux agences de voyage au Brésil et partout dans le monde, de promouvoir un tourisme éthique, sans violence contre les femmes et les filles.
Au grand public, de s’engager à ne pas se rendre complice de l´exploitation sexuelle des femmes et des filles, à la fois légalement et culturellement, en rejetant l´idée que la prostitution est un « travail ».
Au gouvernement brésilien, de respecter les traités internationaux sur l´abolition de toutes les formes contemporaines d´esclavage, y compris la traite et l´exploitation sexuelle en particulier des femmes, des filles et des adolescents, qu´il a ratifié, en élaborant et mettant en œuvre des politiques de lutte contre le tourisme sexuel.
 
ALORS VOUS AUSSI SIGNEZ LE MANIFESTE 
ET DITES NON AU TOURISME SEXUEL ET À L´EXPLOITATION SEXUELLE !
 
DITES NON AU TOURISME SEXUEL INFANTILE DURANT LES JEUX OLYMPIQUES DE 2016 !

 

 

Aller plus loin :
– lire le texte officiel de la Déclaration de Rio de 2008
– concernant l’action de John Coates, lire les articles parus dans The AustralianThe Daily Telegraph
– concernant la mise en prostitution d’enfants aux abords des sites olympiques à Rio, lire l’article de Mary Papenfuss