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Excision : pourquoi aborder la question au sein des foyers d’urgence ?

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A l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre l’excision, Tolérance Zéro, il m’a paru le moment de questionner les pratiques des professionnels de la protection de l’enfance.

En effet, lorsqu’une enfant est placée sous mesure de protection, il peut s’avérer que son passage en foyer d’urgence soit le moment où elle découvre qu’elle a été excisée. Nombre de fillettes le découvrent en effet dans des circonstances indirectement en lien avec le jour de leur excision : à l’occasion d’une infection urinaire, à l’occasion d’une discussion avec un ou des membres de la famille, à l’occasion d’une première consultation chez la gynécologue et aussi à l’occasion d’une visite médicale en foyer d’urgence où le carnet de santé est alors revisité par un médecin ou une infirmière.

Alors, l’équipe éducative en charge de l’enfant devra pouvoir poser des mots sur cette violence sexuelle et surtout signaler. Elle devra être attentive à la fratrie de l’enfant excisée. Et, ouvrir pleinement les yeux sur cette violence subie par l’enfant.

Les mutilations sexuelles sont des violences sexuelles qui ne doivent pas être passées sous silence, bien au contraire. Les professionnels ne doivent pas se dire que c’est une pratique « tolérée » parce que réalisée dans un autre pays ; bien au contraire, le droit français est très clair sur ce point. Les mutilations sexuelles sont interdites qu’elles aient été pratiquées sur le corps de l’enfant en France ou dans son pays d’origine.

« La loi française punit les mutilations sexuelles féminines commises en France et à l’étranger au même titre que les autres violences ayant entraîné une mutilation permanente. Elle punit les auteurs ainsi que les personnes ayant incité leur réalisation. La loi française s’applique à l’acte commis à l’étranger si la victime est française ou si, étrangère, elle réside habituellement en France. La victime peut porter plainte jusqu’à 20 ans après sa majorité, soit 38 ans, pour condamner ces pratiques devant la justice française (article 222-16-2 du Code pénal). Les peines prévues pour l’auteur d’une mutilation et pour le(s) responsable(s) de l’enfant mutilée sont définies par le code pénal:

  • Les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sont punies par 10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende (article 222-9 du Code pénal)
  • Si la mutilation est commise sur une mineure de moins de quinze ans par un ascendant légitime, naturel, adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la mineure, la peine encourue est de 20 ans de réclusion criminelle (article 222-10).

En 2013, deux nouvelles infractions ont été introduites dans le code pénal pour renforcer
la protection des mineures :

  • Le fait d’inciter une mineure à subir une mutilation sexuelle, par des offres, des promesses, des dons, présents ou avantages quelconques ou en usant contre elle de pressions ou de contraintes de toute nature, est puni de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende (article 227-24-1)
  • Le fait d’inciter autrui à commettre une mutilation sexuelle sur la personne d’une mineure est puni des mêmes peines (article 227-24-1).

La loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme de l’asile améliore la prise en compte du risque de mutilations sexuelles féminines chez les mineures. Elle décrit les modalités du constat initial et du suivi de l’absence d’excision chez les mineures qui sollicitent l’asile à ce motif (article L.752-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). »

Par ailleurs, le droit de la protection de l’enfance oblige les professionnels à signaler les mutilations sexuelles.

« La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance prévoit que l’obligation de transmettre une information préoccupante concernant une mineure en danger ou risquant de l’être s’applique aux personnes qui mettent en œuvre la politique de protection de l’enfance ainsi qu’à celles qui lui apportent leur concours (art. L. 226-2-1- du code de l’action sociale et des familles).

Les professionnels de santé qui sont amenés à concourir directement à la protection de l’enfance (services de PMI, de santé scolaire, services de pédiatrie, etc.) doivent transmettre les informations préoccupantes au/à la président-e du conseil départemental (cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation).

Dans tous les cas, les professionnels de santé ne concourant pas directement à la politique de protection de l’enfance sont autorisés à révéler l’information préoccupante au/ à la président-e du conseil départemental (cellule de recueil des informations préoccupantes). Ils ont en revanche l’obligation de tout mettre en œuvre pour que le danger cesse. »

Enfin et c’est un point extrêmement important.

Il est aussi nécessaire que les éducateurs ainsi que les psychologues qui oeuvrent à la protection de l’enfant au sein de son foyer d’urgence puissent en discuter avec l’enfant concernée.

Considérer que l’enfant ne doit pas être informée ou alors nier que cette mutilation est  une violence et décider de ne pas lui en toucher mot, revient non seulement à nier ses souffrances, à nier la réalité qui est que son corps porte une blessure, et aussi surtout à aller à l’encontre de ses droits et de son droit d’être protégée.

Pour cela, le guide élaboré par le ministère de la santé Le/la praticienne face aux mutilations sexuelles féminines, et dont sont extraits les paragraphes précédents donne  quelques clés concrètes pour permettre cette libération de la parole en rappelant les informations à connaître s’agissant des mutilations sexuelles féminines.

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En outre, des outils existent également pour permettre de libérer et d’accompagner cette parole.

Voici la vidéo de #Alerteexcision qui milite pour prévenir l’excision chez les adolescentes de 12 à 18 ans :

Il y a aussi l’ouvrage La tête ne sert pas qu’à retenir les cheveux, un roman qui raconte l’histoire d’une adolescente qui découvre qu’elle a été excisée.

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Et, enfin la BD Ne me coupez pas, 48 pages pour sensibiliser contre l’excision.

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La libération de cette parole est aussi importante car elle doit permettre de transmettre une information utile pour l’enfant excisée : la sécurité sociale permet aux enfants excisées devenues majeures, aux femmes qui ont été excisées, de demander une chirurgie réparatrice qui sera totalement prise en charge.

Savoir que son corps peut être réparé lorsque l’on a été victime de mutilation c’est aussi ouvrir la porte d’un apaisement des souffrances. En effet, les études ont montré que les femmes excisées subissent davantage de souffrance au moment de leurs accouchements. Savoir qu’il est possible de réparer son corps avant une grossesse et aussi de bénéficier d’une prise en charge spécifiques et de soins adaptés est source d’apaisement pour mieux vivre son souhait de grossesse.

Voici enfin une liste d’associations sur lesquelles vous pouvez vous appuyer pour organiser un entretien de la fillette ou de l’adolescente victime d’excision ou en risque de l’être avec des professionnels formés et qui pourront vous apporter leur expertise et leur soutien :

 

Aller plus loin : lire l’article de France Ouest : Excision : les adolescentes en première ligne

« 60 000 excisées en France

Selon Marion Schaefer, déléguée générale de la structure Excision parlons-en, l’excision reste un sujet « problématique » pour les 12-18 ans, qu’il est « important de relayer à l’occasion de la Journée internationale de tolérance zéro aux mutilations sexuelles féminines ».

« Le problème de l’excision s’est déplacé », explique-elle. « Dans les années 1980, les petites filles étaient menacées, puis il y a eu des campagnes de prévention, des premiers procès retentissants… Aujourd’hui, la vigilance est plus grande pour cette tranche d’âge et ce sont davantage les ados qui sont à risque ».
En 2016, les Nations unies dénombraient 200 millions de filles et de femmes ayant subi une forme de mutilation génitale dans les pays les plus concernés (27 pays africains, le Yémen, l’Irak ou l’Indonésie). Près de trois millions de filles sont excisées chaque année, soit six par minute.

En France, où cette pratique est interdite et passible d’emprisonnement, on estime à 60 000 le nombre de femmes excisées. « Le but de la campagne est de mettre la puce à l’oreille aux jeunes femmes et de leur dire tu es peut-être à risques ou bien c’est ta voisine, ta copine, ta cousine », ajoute Mme Schaefer, souhaitant également « susciter le déclic auprès des professeurs ou infirmières scolaires ». Le site de l’association (www.alerte-excision.org) va mettre à disposition un tchat numérique pour permettre « aux jeunes de s’informer de façon anonyme et gratuite auprès de professionnelles ». »

Une réflexion au sujet de « Excision : pourquoi aborder la question au sein des foyers d’urgence ? »

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