Réfléchir ensemble

Le jour où j’ai compris que j’avais moi-même été auteur.e de violences sexuelles

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Se reconnaître victime de violences sexuelles est l’une des premières étapes pour se réconcilier avec soi-même, renouer avec son enfant intérieur, se dire « j’ai traversé » et pouvoir soigner ses blessures, alléger sa souffrance, permettre que les émotions attachées aux souvenirs traumatiques ne soient plus et saisir pleinement ce que veut dire la petite phrase « je m’aime ».

Lorsque l’on traverse un chemin thérapeutique, il y a des étapes plus que difficiles. On a souvent le sentiment d’être en pleine montagnes russes. Mais quand est-ce que ça va s’arrêter ? Quand est-ce que, enfin, je vais me sentir bien ? Dans mon corps ? Dans mon coeur ? Quand est-ce que je vais enfin me sentir en paix ? Définitivement soulagé.e ?

Sur ce chemin, il est une étape très importante aussi, celle du moment où votre thérapeute osera vous poser cette question : n’avez-vous pas eu des gestes à votre tour inadaptés ? Des conduites inadaptées ? N’avez-vous pas été vous aussi à un moment donné dans cette posture de toute puissance par rapport à quelqu’un, quelqu’une ? N’avez-vous pas été vous aussi à un moment donné auteur.e de violences sexuelles ?

Ce moment peut être décisif dans votre parcours thérapeutique. Non seulement pour vous libérer pleinement et en plus pour vous permettre de faire des actes de réparation.

Je me souviens très bien lorsque ma propre thérapeute m’a posée cette question. C’était à un moment de la thérapie où j’avais passé plusieurs étapes, quelques années s’étaient écoulées. Je me souviens être restée un peu choquée, déroutée par cette question.

Je me souviens aussi qu’il m’a fallut puiser tout au fond de moi, mobiliser toutes mes ressources, être honnête avec moi-même, pour oser dire « oui, je me souviens de quelques uns de mes actes que j’ai trouvé inadaptés, qui n’étaient pas appropriés ».

Ensuite, grâce à cette reconnaissance, j’ai pu décortiquer, mieux comprendre pourquoi j’avais agi ainsi. Que s’était-il passé pour que moi aussi j’agisse ainsi ? Et, me sente tout à coup comme à la fois rongée de culpabilité et soulagée d’avoir pu déposer « cela » quelque part.

J’ai compris que lorsque l’on est victime enfant et que l’on grandit sans ni espace de paroles, ni protection, ni soins, on reproduit ce que l’on a vécu sans même pouvoir avoir un quelconque contrôle sur ce que l’on fait. On le fait et c’est tout. Et, bien plus tard, on se souvient qu’étant enfant on avait « de drôles » de conduites. La thérapie peut bien entendu aider à faire les liens et mettre en lumière ces situations.

J’ai compris aussi que devenue jeune adulte, les violences sexuelles que j’avais subies, ont impacté mon rapport aux hommes. Que j’avais parfois eu des conduites déviantes à leur encontre. Non par volonté directe d’être une agresseure mais par réaction ou protection face à ce que j’avais vécu. La conscience de faire du mal ou d’avoir fait du mal n’a pour moi été mise en lumière qu’à l’occasion de ma thérapie, ce qui m’a valu aussi de mieux comprendre les mécanismes des violences sexuelles et de leur reproduction.

Aujourd’hui, je comprends mieux comment un accès facilité à la pornographie pour un mineur le fait ensuite passer à l’acte. Je comprends mieux comment on « en arrive » à devenir auteur. Et, que même en essayant toujours de bien faire, de faire du mieux qu’on peut la mémoire traumatique en nous, non soignée, peut s’activer et nous faire franchir des limites intolérables.

Cela ne veut pas dire que je n’étais pas responsable. Cela veut dire que je reconnais en moi les rouages actifs du mécanisme de reproduction des violences sexuelles, que j’en deviens consciente, que je m’attelle à les enrayer et à me soigner et, que aussi, j’ose faire des actes de réparation. Aller en reparler aux personnes concernées, aller demander pardon, oser dire.

Ce chemin thérapeutique, fait avec un accompagnant formé et bienveillant est pour moi indispensable à la fois dans la reconnaissance du statut de victime et de ses bienfaits que dans la mise en lumière des faits d’auteur que soi-même on a pu faire.

Se sentir guéri.e, soigné.e doit selon moi permettre de pouvoir transmettre ce message de prévention aux enfants : « tout le monde est gentil mais parfois les gens ont des actes inadaptés, qui ne sont pas gentils. Et, pour ces actes, il est important que la responsabilité de chacun soit reconnue. C’est ce que dit la loi. Certains actes sont interdits. C’est pour cela que maman t’explique souvent que ton corps est précieux, que tes parties intimes n’appartiennent qu’à toi, que personne n’a le droit d’y toucher y compris moi, que je suis là pour te protéger et que je t’en parle de temps en temps et te demande si quelqu’un a déjà touché tes parties intimes.

Grâce à cette conscience commune, il me paraît évident que nous faisons avancer notre société toute entière vers moins de violences sexuelles et plus d’actes de réparation qui viennent soulager les corps, apaiser les coeurs et ré-illuminer les âmes.

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